Une mélopée lancinante évoquant les Highlands écossais résonne au milieu d’un désert inhospitalier du Pakistan. Une unité très spéciale de l’armée défile au pas : un orchestre de cornemuses à dos de dromadaires, naseaux fièrement dressés.

Drapés de pourpre et d’or, contrastant avec le sable et les murs bruns du fort où ils sont stationnés, les dromadaires battent la queue en rythme. Sur leur dos, les musiciens se concentrent pour tenir la note en restant en équilibre.

C’est très difficile de jouer de la cornemuse assis sur un dromadaire “, reconnaît un joueur, “Mais nous en avons désormais maîtrisé l’art “. Ce singulier orchestre a été créé en 2015, après que des centaines de camélidés ont définitivement perdu leur raison d’être dans l’armée, tous remplacés par des 4X4 pour patrouiller la zone frontalière désertique proche de la ville indienne de Bikaner.

Les vaisseaux du désert se sont retrouvés réduits à des tâches subalternes, jusqu’à ce que naisse l’idée de les décorer et de leur mettre des musiciens sur le dos, pour en faire un orchestre rattaché à l’unité des Rangers du désert. Après avoir fait leur première apparition publique devant des spectateurs médusés lors du défilé de la Journée nationale pakistanaise à Islamabad en mars, ils ont été déployés à Moj Garh, à 100 km à l’est de la ville de Bahawalpur, dans la province du Pendjab. Dans ces contrées arides, ils s’entraînent chaque jour en rêvant à une future carrière internationale.

Une équipe de vétérinaires et aide-soignants s’occupe en permanence de la santé des dromadaires tandis que les cavaliers les nourrissent. “Ils se fâchent et se mettent à se battre si nous ne les nourrissons pas à l’heure “, indique à l’AFP l’un de cavaliers, Sepoy Asghar Ali. Il décrit des animaux “assez intelligents ” et qui “se mettent très facilement en colère “, mais avec qui les relations sont devenues “amicales ” après quelques accrocs. “Nous leur avons appris à ne pas s’énerver, même lorsque résonnent les tambours. Et maintenant, ils obéissent à nos ordres “, dit-il.

Moj Garh, avec son fort multi-centenaire, est une base militaire pakistanaise, mais son climat désertique en a fait un lieu de choix pour stationner l’orchestre militaire et ses animaux. Chaque spectacle met en scène 22 dromadaires transportant deux personnes chacun, un cavalier et un musicien. Les acrobates de l’unité des Rangers font aussi des figures, comme tenir tête en bas sur un dromadaire au pas, ou former une pyramide de six hommes sur trois dromadaires alignés.

Les uniformes, des étoffes sophistiquées ornant le cou et les jambes des dromadaires aux plaids en tartan des cornemuseurs, sont cousus à la main dans la ville de Sialkot (nord-est), connue pour ses fabriques d’instruments de musique et d’équipements de sport.

Dans le monde, on recense au moins une autre formation musicale militaire de cornemuses à dos de dromadaires, au sultanat d’Oman. Son alter ego pakistanaise pourrait à l’avenir lui faire concurrence. “Nous pouvons nous produire n’importe où au Pakistan, même en étant prévenus peu de temps à l’avance, souligne le colonel Razzaq. Et nous sommes aussi prêts à nous produire en dehors du Pakistan… si l’on nous fournit de quoi transporter les chameaux “.